"Le jour de gloire est arrivé" …
C’est ce que semble clamer Europe 1 ce 14 juillet dans un communiqué publié au nom de l’ensemble des personnels !
"Nous nous réjouissons des très bons résultats
et de fêter ensemble les 70 ans d’Europe 1 !"
La station célèbre son relatif succès d’audience sur l’année écoulée,
alors qu’en réalité sa "remontada", comme en parlent ses fans, a été considérablement limitée ces 3 derniers mois.
De quoi surprendre nombre d’observateurs ...
La droitisation affirmée de la ligne éditoriale aurait pu laisser penser que la rédaction cherchait à épouser l’époque
et surfait sur la forte poussée du Rassemblement National
avec l'ambition de faire exploser ses compteurs.
Logiquement, de nouveaux auditeurs auraient dû rejoindre cette offre.
Au final cela n’a pas été massivement le cas.
La station a pourtant tout mis en œuvre pour cela en vue des législatives.
Au delà des tranches info, l’émission de fin d’après midi portée d'ordinaire par
Sophie Davant
a été remplacée par une tribune politique
animée par le trublion animateur de C8, la chaîne de TV sœur,
Cyril Hanouna.
Le manque de pluralisme de cette tranche de 2 heures a d’ailleurs motivé une nouvelle fois les foudres du gendarme de l’audiovisuel…
Ce dont s’est plaint ouvertement à l’antenne le meneur de jeu !
Il est troublant de relever qu’Europe 1,
dans le communiqué qui s’apparente à une lettre ouverte en ce jour de fête nationale,
adopte un positionnement qui confine à une forme de déni,
pour ne pas dire une provocation,
à l’endroit de l’instance de régulation de l’audiovisuel et du numérique :
"Cette réussite … est le fruit d’une ligne éditoriale ouverte.
Les temps de parole politique,
comme l’ensemble de nos obligations
sont scrupuleusement respectés conformément à la loi et aux recommandations de l’Arcom".
Ce que ne dit pas ce communiqué,
c’est que plusieurs salariés d'Europe 1, tout de même, dénoncent l’influence de plus en plus grande de la vision du milliardaire
conservateur Vincent Bolloré, propriétaire de la station, sur le traitement de l’info.
Thibaut Bruttin,
le nouveau Directeur Général de Reporters Sans Frontières suite au décès de Christophe Deloire,
demande d’ailleurs à l’Arcom d’agir :
"Avec 60 anciens et actuels journalistes d’Europe 1,
RSF appelle l’Arcom et les autorités publiques à agir avec fermeté dans le contrôle de l’honnêteté, du pluralisme et de l’indépendance de l’information,
conditions d’un débat public sain.
La décision du Conseil d’État du 13 février 2024,
qui enjoint au régulateur de réviser son analyse de la mise en œuvre des principes de pluralisme et d’indépendance de l’information,
doit être appliquée dans les plus brefs délais.
La période extraordinairement complexe qui s’ouvre exige que l’information soit traitée avec nuance".
Toujours-est il que la station annonce donc sa fierté de célébrer l’an prochain la création de la station en 55.
C’est sans doute un peu vite réécrire l'histoire,
et faire l'impasse sur la révolution intervenue à la station depuis juillet 2020,
quand le groupe Vivendi, détenu par Vincent Bolloré,
est devenu le premier actionnaire du groupe Lagardère, propriétaire jusqu’alors d’Europe 1.
En avril 2021, Europe 1 ouvre une "rupture conventionnelle
collective" et l’essentiel des signature historiques décident de partir,
comme ...
Julie la voix emblématique de la station, Patrick Cohen, Laurent Cabrol, Nicolas Canteloup, Bertrand Chameroy, Wendy Bouchard,
Julian Bugier qui hérite du 13 heures de France2,
ou encore Matthieu Belliard, Anne Roumanoff, Pascale Clark, Sophie Larmoyer…
mais aussi nombre de reporters !
C’est alors que le virage à droite s’affirme,
et que de nouvelles voix débarquent,
la plupart venant de groupe
Canal +.
Dimitri Pavlenko, Laurence Ferrari, Sonia Mabrouk, Romain Desarbres …
Cette grille 2021-2022 en rupture sur le plan éditorial avec ce qu’avait toujours été Europe 1 plonge encore plus l’audience dans les abysses.
Elle commence donc, mais encore assez modestement, à se relever.
Quand la station voit le jour
en 55,
ce sont déjà des capitaines d’industrie qui en sont les investisseurs.
Charles Michelson et Louis Merlin ont pour ambition de détrôner la populaire Radio Luxembourg (devenue RTL)
et la docile Radiodiffusion-télévision française.
Ils inventent notamment des émissions pour les jeunes comme "Salut les copains",
utilisent les premiers magnétophones portables "Nagra" pour raconter l’actualité sur le terrain ou en donnant la parole à l’auditeur. …
Mais la station démontre dès l'origine son ambition d’être pluraliste !
Pépite d'archives, grâce au site "mieuhen", sur YouTube:
Même si, quand elle devient durant des années propriété de l’état via la Sofirad avant de redevenir privée,
les changements de direction sont souvent en phase avec les alternances politiques.
Le journaliste Olivier Samain,
qui est délégué SNJ quand il quitte la station
confie au journal La Croix ...
"Avant Europe 1,
les journalistes ne parlaient pas, leurs articles étaient lus par des speakers.
Cette radio a inventé la spontanéité,
la réactivité.
Elle a parlé comme aucune autre de la guerre en Algérie
et de Mai 68.
J’ai moi-même intégré la station en 82,
alors qu'elle était en tête des audiences avec RTL."
"Mais depuis le rachat,
j’ai vécu la dégringolade ! "
Quitter une station du fait d'un changement de ligne éditoriale,
même si ce n'est pas pour des raisons politiques,
ce n'est pas nouveau !
Comme en témoigne Stéphane Paoli qui décide de tourner sa page de 20 ans rue François1 er, en 1994.
A 3 minutes de cette vidéo ...
Comment alors,
se demandent nombre d’observateurs,
imaginer que l’actuelle équipe puisse se revendiquer de l’histoire de la station,
et entende fêter une marque
qui affiche aujourd’hui à l’antenne une telle évolution de son ADN ?
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 14 juillet 2024.
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