Editions spéciales sur toutes les télévisions,
comme en radio ou en presse écrite …
Les attentas commémorés cette semaine
mobilisent l’attention et l’émotion du grand public
comme des pros de l’info.
Ce soir-là, la réalité a dépassé la fiction…
Même si le drame du Bataclan en particulier
est le thème de la série en 8 épisodes « Des vivants »,
d’ores et déjà patrimoniale,
diffusée par France Télévisions.
Le soir du 13 novembre il y a 10 ans,
1 téléspectateur français sur 4 regarde sur TF1 le match France-Allemagne …
Quand le public présent au Stade-de-France,
dont le chef de l'Etat François Hollande
entend les trois explosions aux abords du Stade de France.
La chaîne qui doit dans la foulée diffuser la finale de Secret Story
bascule en édition spéciale à 22h50.
Elle sera regardée en moyenne jusqu'à 2h du matin par 3,65 millions de personnes,
soit près d'un téléspectateur sur 3.
France 2, interrompt, elle ses programmes juste avant minuit
pour retransmettre l’allocution du Président du Président de la République.
1,122 million de personnes suivent cette édition spéciale.
L'édition spéciale du Soir 3,
diffusée plus tôt sur France 3,
avait été suivie par 1,24 million de téléspectateurs.

Les universitaires
Amélie Aubert de Paris VIII, Patrick Charaudeau de Paris Cité, et Dominique Mehl du CNRS
ont travaillé sur cette nuit
qui reste unique dans l’histoire des médias
pour un évènement ayant lieu en France.
"Contrairement aux événements du 11 septembre 2001 à New York
où les TV sont déjà en édition spéciale
avant même que le deuxième avion se fracasse dans la seconde tour du World Trade Center,
les attentats du 13 novembre se produisent hors de vue des caméras,
même si de nombreux documents amateurs surgiront par la suite.
Bien que des journalistes de chaînes d’information en continu soient présents assez rapidement sur les lieux
(dans les 30 minutes suivant les fusillades aux terrasses de café),
les périmètres de sécurité ont déjà été établis, les faits ont eu lieu,
il faut donc reconstituer ce qui s’est produit et non commenter ce que l’on voit ».

Les 3 chercheurs ont analysé finement l’antenne de BFM :
les 18 premières heures de l’édition spéciale qui s’est tenue sur cette chaîne
à partir de 21 h 50 le 13 novembre,
jusqu’à 16 heures le lendemain.
"Confrontés à un chaos informationnel sur le terrain
et à une absence d’images,
on ne peut que constater que les images des lieux qui se superposent aux discours sont en contradiction :
les lieux apparaissant à l’image ne sont pas nécessairement ceux dont on parle.
Le téléspectateur en quête d’informations qui allume pour quelques minutes seulement cette chaîne
est pris par un récit incomplet et partiel,
et par une mise en perspective impossible.
Par ailleurs,
les journalistes et présentateurs et présentatrices en plateau apportent,
peu à peu,
des précisions et corrigent la chronologie des événements.
Les commentaires en plateau des journalistes spécialisés viennent commenter les images de voitures de police et d’ambulances du terrain
en apportant des informations que les reporters ignorent.
Palliant les béances du récit,
le registre de l’audition déployé par les reporters de terrain
vient apporter des éléments de contexte que les images amateures ne complètent que très partiellement"..
Les rédactions,
comme les forces de l’ordre sur place
vivent une forme de chaos comme le montre ce documentaire diffusé ces jours-ci par LCI
Les images d’amateurs qui sont diffusées en fin de soirée
n'ont pas la même qualité que des plans tournés par des cameramen professionnels :
les images tremblent ou les zooms sont grossiers.
Mais ces vidéos permettent d'offrir un récit continu des événements
et offrent un témoignage direct des attentats.
Elles montrent aussi les victimes
aux terrasses des bars "Le Carillon" et "La Belle Equipe"
immédiatement après les fusillades.
Enregistrés par la caméra embarquée d’un chauffeur de VTC,
les tirs des agresseurs sont terrifiants.
Les détonations à l'intérieur de la salle de spectacle au moment de l'assaut du RAID contre les djihadistes
sont parfaitement audibles sur une vidéo
prise depuis un appartement du boulevard Voltaire
qui donne sur la salle de spectacle.

Sarah Campos,
chercheuse en sciences de l’information,
a également écrit une thèse sur le traitement des attentats du 13 novembre à la télévision française.
Selon elle les chaînes ont su ne pas sombrer dans une mise en scène excessive.
"Les acteurs de l’acte informationnel s’appuient sur la monstration de la preuve informationnelle
pour crédibiliser l’information et s’organisent autour de rôles prédéfinis,
contraire à l’aspect « extraordinaire » attaché à ces attentats.
L’emploi du conditionnel informe subtilement le téléspectateur
que les informations communiquées ne sont pas certifiées par la chaîne,
et ces informations sont systématiquement rattachées à leur source.".
Diffusé ces jours-ci,
ce documentaire de France 2 résume l’ensemble de la soirée …
Pour la chercheuse Sarah Campos …
"En se détachant des informations communiquées,
les médias prennent aussi certaines précautions concernant la qualification des faits,
en s’affranchissant également de tout discours analytique.
Les discours restent très descriptifs,
et l’ancrage de la qualification des événements en « attentat terroriste » se fait principalement par voix officielle.
Néanmoins les médias,
comme tout autre interlocuteur,
ne peuvent être à l’origine d’un discours objectif.
Les interprétations,
sans être explicites se décèlent dans l’analyse discursive,
par l’emploi de stéréotypes populaires".

2 ans après les attentats de novembre 2015,
l’UNESCO a édicté un manuel intitulé "Les médias face au terrorisme ".
Frank La Rue, Sous-Directeur général pour la Communication et l’Information
souligne que le véritable objectif des terroristes
est de « diviser la société en deux
et de dresser les citoyens les uns contre les autres en provoquant la répression, la discrimination et la discorde … »
A partir de nombreux exemples récents,
le manuel de l'UNESCO aborde aussi
la manière dont les journalistes traitent des victimes du terrorisme,
abordent les rumeurs,
rendent compte des enquêtes menées par les autorités,
conduisent des interviews avec des terroristes
et couvrent leurs procès.
Un chapitre distinct est consacré à la sécurité des journalistes,
notamment à la question des enlèvements et des traumatismes
que peuvent subir les journalistes.
Consultable ici :
https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000247075
Thierry Mathieu
e-crossmedia
le 10 novembre 2025.
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