"Nous craignions déjà la fusion,
mais s’ils souhaitent privatiser, cela prend une autre ampleur”.
Voilà le cri du cœur de Pierre Mouchel, secrétaire général CNRT CGT chez France Télévisions !
"Celà coûte d’avoir des médias publics,
mais priver la nation d’un outil pluraliste n’aurait aucun sens”,
insiste Renaud Dalmar, délégué syndical CFDT de Radio France.
Comme le souligne Médiapart,
la privatisation annoncée par le Rassemblement National,
s’il accédait au pouvoir,
serait une course d’obstacles vertigineuse.
"Priver la France de la majorité des chaînes de télévision et des radios financées par l’État
(le RN a indiqué vouloir conserver France 24, RFI et les réseaux locaux de France 3 et de France Bleu),
qui occupent une place centrale dans le paysage audiovisuel, serait une première en Europe –
et un risque majeur pour le pluralisme et la démocratie de notre pays.
Et cela ne pourrait pas se faire en un claquement de doigts."
Dès le lendemain de l’annonce de la dissolution en tous cas,
l’un des piliers du RN Sébastien Chenu réaffirme pourtant sur BFM et RMC l’intention de son parti,
s’il devait accéder au pouvoir...
Dès le 11 juin, compte tenu du résultat du Rassemblement National,
la bourse montre que le marché s’inquiète.
Les groupes audiovisuels privés TF1 et M6 souffrent.
La Une abandonne 6,3% en début d'après-midi et M6 recule de 2,8%.
Comme l’explique un analyste à BFM Business …
"Une telle privatisation, sur le papier, obligerait à remplacer des fonds publics par des fonds privés
et donc financer le fonctionnement des médias publics par des recettes publicitaires.
"Cela ne me semble pas très réaliste, car le budget de France Télévision se situe autour de 2,6 milliards d'euros
alors que le marché de la publicité TV en France dans son ensemble est évalué à 3 milliards d'euros.
Si ce projet était mené à bien, il serait naturellement très négatif pour les acteurs privés.
Le marché français ne serait pas capable d’absorber une telle hausse de la concurrence.
Toutefois, il nous semble très difficile à entreprendre
et la situation du marché pourrait rendre impossible une telle privatisation totale !"
Selon le groupe financier Oddo BHF, leader européen du courtage.
"In fine, la demande pourrait ainsi s'avérer faible au point de décourager une privatisation totale.
D’autres options seraient possibles telles qu'une privatisation limitée à France 2 ou France 5 ou encore un statu quo
mais accompagné d'une restructuration importante pour France Télévisions et Radio France.
"En première approche, un mix de ces deux scénarios nous semble la perspective la plus crédible en cas de victoire du RN".
Selon Pierre Esplugas,
professeur de droit public à l'Université de Toulouse-Capitole, interrogé par le site "Ecran Total".
“La loi de 1986 dispose expressément que le service public de la radio et télévision public est bien un service public.
Même si ça n'était pas le cas, nous pouvons penser que les cahiers des charges de ces sociétés ont des obligations de diffuser des programmes variés
et sans rapport avec l'audience et le coût.
France Télévisions, Radio France ont bien des responsabilités d'une société de service public.”
Selon cet expert,
ces deux sociétés tombent sous le coup de l'alinéa 9 du Préambule de la Constitution de 1946
et ne pourraient pas être privatisées !
A moins que le législateur ôte au préalable la qualité de service public "national" à ces deux sociétés.
"Ce qui s'était passé pour la privatisation de France Télécom et de GDF par exemple”.
En revanche, une privatisation des branches régionales de France 3 et des antennes de France Bleu pourraient être plus facilement envisagées
si le législateur, dans une pré-réforme, scinde Radio France et France Télévisions en plusieurs sociétés."
Malgré les difficultés annoncées,
l’idée de privatiser le service public de l’audiovisuel reste bien, en tous cas, dans les intentions du Rassemblement National,
comme Marine Le Pen elle-même le redit, ce mardi matin 2 juillet, au micro de la matinale de France Inter.
"Nous pensons que, dans une grande démocratie, l'État ne peut pas avoir la mainmise sur une partie des médias" :
L’historien des médias Alexis Lévrier estime que si le RN venait à s’emparer du pouvoir,
le parti procéderait plutôt à une purge au sein de l’audiovisuel plutôt qu’à une privatisation totale.
"À mon avis, cette menace de privatisation est un instrument de guerre psychologique.
Peut-être que le parti privatisera quelques médias publics,
mais je crois que le RN veut plutôt faire table rase et inciter des journalistes à se taire."
Et les financiers d’Oddo BHF de conclure, provisoirement …
"Ce projet est relativement peu clair pour le moment, et une victoire du RN est loin d'être garantie".
Thierry Mathieu,
e-crossmedia,
le 6 juillet 2024.
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