14 décembre : 60 ème anniversaire de la maison ronde. Bernard Thomasson propose son "dictionnaire amoureux de la maison de la radio et de la musique." Entretien.

 

Ce sont les secrets, mystères et coulisses de la "Maison de la radio et de la musique",

comme il est convenu de l’appeler depuis janvier 2021,

qui nous sont racontés dans cet ouvrage,

à l’occasion de ses 60 ans ce 14 décembre prochain.

 

La majestueuse couronne de 500 mètres de circonférence,

avec sa tour rectangulaire,

trône face à la Seine au 116 avenue du Président Kennedy,

dans le XVIeme arrondissement de Paris.

 

 

L’auteur de ce "dictionnaire amoureux" a débuté en région dans les radios locales de Radio France,

notamment en Limousin d’où il est originaire,

et poursuit sa carrière au siège à Paris,

où il est l’une des voix et l’un des rédacteurs en chef marquants de France Info.

Coup de fil à Bernard Thomasson :

"Tout d’abord cette question :

mais pourquoi est-elle ronde ?

Ce sont les ingénieurs du son qui, à l’époque, conseillent aux architectes de ne pas concevoir des studios carrés ou rectangulaires :

le son se répercute sur les murs et ce n’est pas bon pour l’acoustique.

Alors les plans sont déssinés en pensant à un camembert …

Puisqu'il faut des studios triangulaires, ils sont accolés les uns aux autres,

et l'ensemble forme un rond !

 

A l’inauguration, beaucoup sont surpris pour ne pas dire déstabilisés...

Bien sûr, l'immeuble apparaît plus pratique que les 39 lieux répartis partout dans Paris

qui produisaient jusqu'alors la radio et la 1^ère chaine de télévision,

mais le bâtiment leur semble froid.

Parmi les témoignages dans le livre,

Louis Bozon, l’une des grandes voix de France Inter, se souvient qu’il ressent une ambiance d’hôpital ! "

 

 

 

"En plus des programmes de radios qui y sont réalisés, 

la maison offre alors de grands studios qui accueillent le public et sont le théâtre de productions cultes en télévision.

Régulièrement, jusqu'à un millier de spectateurs assistent à de grands shows,

comme ceux animés par Guy Lux ou les émissions de Danielle Gilbert.

La première édition du Téléthon en 87 y est réalisée,

comme aussi les débats d’entre deux tours au moment des présidentielles.

 

 

Plus tard,

Christophe Dechavanne, qui témoigne aussi dans le livre, fait arriver ses invités de "Coucou c’est nous"

par une fusée sur le plateau avec des fumigènes,

grâce à un vaste sous-sol qui se trouve sous le studio."

 

Le chantier de réhabilitation lancé en 2008 verra se succéder neuf ministres de la culture.

En fait,

il est décidé quelques années auparavant sous la présidence de Jean Marie Cavada

puisque des risques d’incendie ont été détectés.

Une large part des travaux est aussi consacrée au désamiantage.

 

 

Au final,

le coût est multiplié par 3 par rapport à ce celui budgété à l’origine :

493 millions hors taxes !

"Jean Marie Cavada se souvient que le dossier s’est accéléré au moment de l’attentat du World Trade Center.

Voilà des années qu’il souhaite une réhabilitation de l'immeuble,

mais que les pouvoirs publics ne le suivent pas.

 

Après le drame de New York, les bâtiments sensibles sont évalués de près,

et la question de la tour de 68 mètres au centre de la maison de la radio devient une priorité.

En effet, elle est susceptible de brûler en 14 minutes,

alors qu’il en faut une vingtaine pour descendre à pied depuis son dernier étage.

 

Ce sont les 4 présidents de Radio France suivants qui se chargeront des travaux,

en les modifiant parfois...

 

 

Par exemple, un studio mythique face à la Seine est sacrifié pour créer le nouvel auditorium.

La crypte disparait,

l’abri antiatomique devient aujourd’hui une salle de stockage.

 

Pendant ces travaux titanesques les radios, les unes après les autres, déménagent pendant plusieurs années

avant de réintégrer leurs locaux et studios quand ils sont réhabilités.

L’option de libérer toute la maison d'un seul coup pour faciliter les rénovations a été imaginée,

mais le Président Chirac a tranché :

pas question !

Selon lui, le risque est qu’à terme cela dure trop longtemps

et qu’au final personne n’y revienne.

Surtout, il craint que l’emprise soit la proie de promoteurs :

"Pas question que ce joyau devienne un parking"

dit le chef de l’état..."

 

Au-delà des studios et des locaux dédiés aux 7 radios du groupe,

les travaux ont cherché à ouvrir le bâtiment plus largement au public,

avec la création d’une rue traversante.

Les formations musicales de Radio France ont maintenant des lieux de répétitions et de représentations,

comme le mythique Studio 104 rénové,

et le nouvel Auditorium.

 

 

"Radio France compte 4 formations musicales internationales qui méritaient de pouvoir donner chez elles des concerts retransmis sur les ondes,

mais également offerts à un très large public,

plutôt que de devoir aller jouer à Pleyel ou au Théâtre des Champs Elysées ...

 

 

 

Comme un retour aux sources,

la maison est à nouveau dotée de studios de télévisions...

"Plusieurs studios flambant neufs sont équipés pour y réaliser des émissions de radio,

qui sont en effet co-diffusées en télévision.

Particulièrement pour France Info avec l’invité de 8 h 30, les Informés,

mais il y a aussi l’invité politique de France Inter le dimanche

ou encore la matinale de France Bleu Paris …

 

 

C’est une évolution qui épouse l’époque,

même si, comme en témoignent des techniciens dans le livre, le métier est différent.

En plus de la qualité du son à laquelle sont particulièrement attachés les salariés de Radio France,

il faut évidemment assurer une parfaite mise en image pour être retransmis sur France Télévisions.

La maison de la radio et de la musique est à la pointe de la modernité de ce point de vue,

et surtout s’affirme également, au delà des antennes,

comme un lieu où se produisent des concerts, des rencontres, des débats, des forums…

 

Votre attachement transpire dans ce dictionnaire amoureux,

avec ces dizaines de témoignages …

N’avez-vous pas rencontré tout de même des gens qui n’aiment pas cette maison ?

"Si, en effet, même s’ils sont peu nombreux …

Une chanteuse me parle d’une verrue dans le quartier, comme le disaient certains opposants au projet au moment de sa construction.

Cet édifice moderne de vitres et d’aluminium tranche en effet dans ce quartier d’immeubles haussmanniens.

D’autres personnes continuent à trouver la maison "froide", ou  disent qu'ils se perdent dans la multitude des couloirs,

comme il y a 60 ans !

 

 

Mais l’immense majorité des témoignages insistent sur la fierté de travailler dans un lieu aussi prestigieux.

J'ai rencontré des dizaines de salariés de la maison qui m'ont fait visiter leurs locaux, leurs endroits…  

J'ai assisté à des séances de bruitage avec des bruiteurs professionnels.

Il y en a que 3 en France et ils sont à Radio France.

En Europe il n’y en a quasiment plus…

 

C'est un lieu de création, de foisonnement culturel incroyable.

C'est quand même 60 ans d'histoire, de la radio télévision française,

ce n’est pas rien !"

 

Le dictionnaire amoureux de la maison de la radio et de la musique, de Bernard Thomasson,

paru avant-hier, aux éditions Plon, avec Radio France.

 

Thierry Mathieu,

e-crossmedia,

le 14 décembre 2023.