Sorry its not set :(

"Diffuser sur le web avec un smartphone ne fait pas de vous un journaliste, il faut faire évoluer la loi.

C'est une urgence démocratique ."

Nathalie Sonnac publie "Le nouveau monde des médias"

ce mercredi, chez Odile Jacob.

Sorry its not set :(

 

Allons-nous laisser les GAFA détruire notre démocratie et notre culture ?
En vingt-cinq ans, les géants du numérique ont envahi l’espace informationnel et la sphère du divertissement. Le bilan ? Concurrence dissymétrique avec les acteurs traditionnels et, surtout, menaces pour notre démocratie.
Dans un monde où les données sont devenues le nouvel or noir, les industries numériques, suivant une logique de profit, ont mis hors-jeu le citoyen bien informé pour lui préférer un consommateur bien aiguillé.

Coup de fil à Nathalie Sonnac, auteure, professeur à Panthéon Assas, membre du CSA de 2015 à 2021.

 

"Nous vivons une réelle révolution qui se vit à plusieurs niveaux.

Tout d’abord celle des usages, c’est-à-dire notre manière d’avoir accès instantanément aux données par la technologie numérique,

qui nous donnent accès à de l’information, des divertissements et des contenus à tous moments.

Cela entraine une troisième conséquence qui est économique, du fait de l’arrivée dans tous les foyers depuis une dizaine d’années de nouveaux acteurs.

 

En plus des médias traditionnels, sont apparus des individus ou des entreprises qui n’étaient pas à l’origine impliqués dans le domaine de l’info ou des industries créatives.

Tout ceci remet en question totalement ce qui existait avant la généralisation de l’accès au web.

Cela fragilise les radios, les télévisions, la presse écrite, le cinéma, l’affichage.

 

Sorry its not set :(

 

Ma proposition est d’étudier les conséquences,

et de réfléchir à ce que l’on peut faire sur le plan politique et stratégique pour que les acteurs traditionnels ne vacillent pas totalement, puisque la régulation n’est pas encore suffisamment adaptée,

et également de chercher à limiter les dégâts en matière de fausses informations, de harcèlement, de contenus haineux …

Il faut s'emparer de ce nouveau paysage sur le plan législatif.

Il y a urgence, car le risque démocratique est réel.

 

Sorry its not set :(

 

Ce samedi même, à l’occasion des manifestations en France après l’usage du 49.3 pour la réforme des retraites,

nombre d’offres vidéos sur internet prétendent retransmettre la réalité de ce qu'il se passe dans les défilés,

en parallèle des télés mainstream comme BFM, CNews, LCI ou franceinfo : !

Ce sont des journalistes professionnels qui diffusent l’info sur ces chaînes traditionnelles.

Ils ont une déontologie: ils collectent les faits, les recoupent, les hiérarchisent et  les transmettent :

on est dans un champ d’Habermas classique.

Mais dans le même temps cohabite en effet un espace nouveau public et numérique, où tout à chacun a la possibilité de mettre en ligne de l’info sans avoir été vérifiée,

il n’y a pas de distinction entre la réalité des faits et une interprétation ou un commentaire :

tout le monde peut se prétendre journaliste !

 

C’est très difficile à réguler, l’Arcom n’est pas armée pour cela …

J’ai moi-même siégé au CSA avant que le champ d’action de l’institution soit élargi au numérique, en le fusionnant avec Hadopi.

Depuis toujours, les chaines traditionnelles se doivent de respecter des règles de déontologie,

mais ce n’est pas encore abouti en ce qui concerne les nouveaux acteurs du numérique.

Il faut donc complètement repenser la réglementation à l’aune de ce nouveau champ informationnel .

 

Sorry its not set :(

 

Il y a tout de même déjà eu des évolutions, notamment pour lutter contre les contenus haineux et cela semble apparemment assez efficace …

La loi de  2018 a permis de sanctionner les fake news pendant les périodes électorales.

Et puis il y a aussi au niveau européen le Digital Service Act, dont la directive entrera en vigueur prochainement, qui renforce la responsabilité éditoriale pour tout à chacun dès qu’il publie un contenu dans l’espace public,

Mais tout cela n'est pas suffisant …

Il y a urgence à redéfinir le nouveau "marché de l’information" et les responsabilités qui incombent à tous…

 

Sorry its not set :(

 

Quid de la carte de presse qui certifiait jusqu’alors un savoir-faire de "pro de l’info",

si tout le monde avec son smartphone et en diffusant sur les réseaux sociaux peut se prétendre journaliste ?

La carte professionelle reste très précieuse et donne la garantie d’un respect déontologique,

mais il faut regarder la réalité en face.

Nombre d’internautes considèrent aujourd’hui s’informer en accordant leur confiance à des personnes qui, pour certaines, ne sont pourtant en rien qualifiées !

Alors au-delà du producteur de contenu,

c’est donc aussi au consommateur qu’il faut s’intéresser :

éduquer les citoyens dès le plus jeune âge pour qu’ils apprennent à faire la différence, sache reconnaitre le respect de l'éthique :

Nous sommes tous finalement devenus des diffuseurs d’info dans l’espace public sans avoir la qualification nécessaire .

 

Sorry its not set :(

 

Chacun peut évidement en démocratie être porteur de sa réflexion et de ses idées, mais on s’entend tous pour dire que quand il fait beau,

on ne va pas dire qu’il neige …

Alors il faut que la personne qui vous lit ou vous regarde ait appris à relativiser d’elle-même et puisse se dire …

"Mais ce n’est pas vrai : il y a un grand soleil et je ne vois pas de flocon ! "

Idem sur la route.

Chacun peut conduire, mais pour ne pas risquer d’accident il faut détenir le code de la route, et respecter une priorité à droite ou démarrer seulement si le feu est vert …

 

Sorry its not set :(

 

C’est toute l’enjeu de l’éducation aux médias et à l’information …

Comment diversifier mes sources, comment échapper aux fakes news, comment puis-je échapper aux bulles cognitives dans lesquelles les algorithmes m’enferment.

Il y a urgence que nous changions la loi et que nous mettions en œuvre une réglementation qui soit redessinée à l’échelle de ce que sont les médias en ligne.  

Cela fait des années que l’on se dit que la loi de 86 est dépassée,

mais à force de laisser le temps passer sans la changer, les effets sont dramatiques :

la création du mouvement 5 étoiles en Italie, le Brexit, Bolsonaro au pouvoir, Trump et ses troupes sur les réseaux sociaux à l’assaut du Capitole.

Il est clair que le paysage n’est plus celui d’il y a une trentaine d’années ! »

 

Nathalie Sonnac a déjà publié :

La presse française. Au défi du numérique (avec Pierre Albert), La Documentation Française, Paris, 2014.

Économie de la presse, avec Patrick Le Floch, Éditions La Découverte, Paris, « Repères », 3e éd., 2013.

L’Industrie des médias à l’ère numérique, avec Jean Gabszewicz, Éditions La Découverte, Paris, « Repères », 3e éd., 2013.

L'Auteur au temps du numérique, avec Cécile Méadel (ed.), Éditions les Archives contemporaines, Paris, 2012.

Culture Web (eds. avec Xavier Greffe), Dalloz, Paris, 2008.

 

 

Thierry Mathieu,

Président d'e-crossmedia,

le 18 mars 2023.

 

 

 

 

 

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