Avec Ivan LEVAI, journaliste, écrivain et dirigeant de médias. Europe1, France Inter, France Musique, la  Provence, LCP …

 

20200502_194026.jpg

15 mai 2020. Ce vendredi est le soixantième jour après le décret du confinement en France. Qui pour faire le point sur e-crossmedia.com, sinon une figure du paysage médiatique ?

 

J’ai choisi de passer un coup de fil à Ivan LEVAI...

 
Médaillon Yvan Levaî.PNG
 

Arrivé de Hongrie en France avec sa mère à l’âge de 2 ans pour échapper aux persécutions nazies, il devient , jeune adulte, instituteur puis prof de lettres. Passionné d’information il entre à France Inter en 63. Il rejoint Françoise Giroud à l’Express et est par la suite chef du service politique d’Europe 1. Sur FR3 il officie avec Christine Ockrent, et écrit en 81 la déclaration d’élu de François Mitterrand. De retour à Radio France il y est directeur de l’information, et signe en 1996 sa 1500ème revue de presse sur France Inter. Il la présentera plus tard également sur France Musique. Il lance La Chaine Parlementaire en 2001. Grand patron de presse, écrivain, il est l’une des voix journalistiques les plus marquantes du paysage audiovisuel français. Accro à l’info il a vécu le confinement sous perfusion de TV, de radio, et de presse écrite. Il nous livre son ressenti, sous forme d'état des lieux. Jovial, généreux, parfois sarcastique … Selon lui le paysage manque de relief. C'est plutôt terne, pour ne pas dire insipide !

 

Thierry Mathieu.

Yvan LEVAI :

Je vais vous dire  … Aujourd’hui  on ne peut pas se passer de la presse, on ne peut pas se passer de la télévision. Le matin je regarde d’abord BFM  TV. C’est le plus clair, le plus net et ça me permet de savoir ce que pense la foule. C’est aussi pour ça que je lis tous les jours le Parisien,  le journal populaire le mieux fait qui soit. Mais je ne peux pas me passer non plus du Figaro, de Libération, et surtout du Monde … Ici en Ile de France en confinement, je fais des kilomètres pour avoir ce journal tous les jours. A mon kiosque, ils n’en reçoivent que 2 exemplaires, alors je suis le premier tôt le matin à me présenter pour être certain de l’avoir ! J’ai besoin de la presse … Même si je n’ai pas besoin de toutes les interviews normatives de tous les ministres et secrétaires d’état. Ce que disent le Président et son premier ministre me suffit.

 

  • Vous  faites votre propre revue de presse, y compris audiovisuelle donc ?

C-a-vous-France-5-C-est-comme-a-la-maiso

Oui … Chaque soir à 19 heures je suis fidèle aussi à «C’est à vous» sur France 5. Et puis  il m’arrive de regarder également Pascal Praud sur CNews, qui officie aussi sur RTL. Elle est bien cette émission! Il est populaire et ça permet de voir ce que l’opinion pense. J’ai toujours considéré qu’un journaliste se devait de traîner dans les rues, de se balader, de voir tout le monde. Même si j'ai côtoyé tous les présidents de la Vème république, sauf de Gaulle.

 

 

  • Comme quand vous étiez à l’antenne pour vos revues de presse, vous êtes toujours en recherche de confrontation d’idées, de brassage d’opinions …

Entre la gauche républicaine, et la droite républicaine il y a tellement peu de différence aujourd’hui... Les gens ne croient plus en la politique classique parce qu' il n'y a plus un véritable éventail d’opinions. On avait 2 gauche, on avait 2 droite,  on avait un centre ….  Tout s’est unifié, globalisé. Les gens n’y croient plus, comme ils ne croient plus aux médias d'ailleurs. C’est terrible pour les journalistes. Alors ... Est-ce que c’est à cause du web, des réseaux sociaux ?  Tout apparaît terne. Même aux extrêmes… Même Jean-luc Mélenchon ou Marine Le Pen, chacun à leur place sur l’échiquier politique, apparaissent parfois insipides …

La présidente du Rassemblement National était hier matin par exemple sur BFM TV . Bourdin s'est donné un mal de chien pour la faire sortir de ses gonds, elle ne l’a pas fait. Elle a même été très aimable pour le premier ministre. Elle n’en voulait qu’à Emmanuel Macron, c’est son jeu politique, elle ne pense qu’aux présidentielles. Elle veut croiser le fer avec lui.

Le Pen Bourdin BFM.PNG

Regardez les partis politiques dans leur ensemble : l'ex gauche dérive vers le centre si ce n’est pas vers la droite. Le centre est coincé au milieu… C’est la même chose pour la presse. Plus rien n'est tranché, les médias  ont tous le même goût, ou plutôt sont sans saveur.

 

  • Donc si vous étiez à l’antenne, vous vous ennuieriez ces temps-ci ?

Non, jamais ! Comme je l’ai toujours fait, il faut aller chercher  partout dans notre paysage médiatique, lire ou écouter des médias qui font peut-être moins d'audience. En fouillant bien on trouve encore de la diversifié de points de vue.
Pour l'audiovisuel  il y a France Culture pylar exemple. Ce n’est pas RTL ou ce n’est pas BFM ! Et ce n'est pas non plus la radio dont j'ai été amoureux pendant des années : Europe 1!

Levai Europe 1.jpgElle était la radio du peuple. J’ajoute : «consommateur». Elle jouissait  d’une liberté incroyable, pas parce qu’elle croyait plus en la liberté que les autres. Tout simplement parce qu'elle avait besoin de clients. Il fallait pour fidéliser le plus grand nombre d'auditeurs que toutes les opinions y soient représentées. 2 journalistes pouvaient  tenir des avis contradictoires en coulisse pendant la conférence de rédaction, mais aussi et surtout en direct . Aujourd’hui  ça ne transpire plus à l’antenne.

Coté presse écrite j’apprécie  le journal La Croix ou l’Humanité, dont la diffusion est réduite à une portion congrue …Vous avez vu comme les contenus des journaux aujourd’hui sont policés ? «Bonjour Bernard… Au revoir Anne- Marie …» Et on sourit finement … Les journalistes comme les élus tiennent le même type de discours. C’est pour cela d’ailleurs, en cette période de pandémie que la vérité sort de la bouche des médecins. Les hommes politiques comme les gens de média sont pendus à leurs lèvres, suivistes. Tout finit par être consensuel!

 

  • Que pourra-t-on retenir de cette séquence?

C’est une période extraordinaire, exceptionnelle.
Moi je considère que ce n’est pas une guerre parce que j’ai l’autre en mémoire. Je suis né en 37, j’avais 7 ans à la libération. La guerre ce n‘est pas ça, même si il ne faut pas jouer sur les mots. On a même parlé d’ennemi invisible. On aurait à lutter contre lui et ce serait la guerre … Bah non !
Bien sur c’est terrible une pandémie, mais ce n’est pas non plus la peste noire, ce n'est pas le choléra, ni même Ebola.
Les sciences demeurent, on arrivera à triompher de ce mal,. C'est une crise extraordinaire dont les organes de presse  sont témoins. Les médias restent essentiels, mais si on les consomme dans leur diversité. Le regret c'est que par le passé les titres proposaient plus de points de vue différents. Les tires et les antennes étaient vraiment plus divers, culturellement et idéologiquement.
Maintenant ils se ressemblent trop.
Mais je lis, je continue à les lire tout de même. Je les regarde, je les oppose tant bien que mal. 
Je fais ça depuis 50 ans !

Pour découvrir nos autres interviews cliquez ici !