Avec Olivier MOREL-MAROGER,
auteur et ancien directeur de France Musique. 

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Olivier MOREL-MAROGER,
auteur et ancien directeur de France Musique.

 

Auteur de «La radio» aux Presses Universitaires de France, avec Patrice Cavelier,
et de «L’économie de la culture» chez LGDJ. 

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« Une année blanche pour les festivals d’été et les retransmissions à la radio »

 

 

  • Pas de festivals cette année, pas de concerts en radio et télé non plus ?

C’est déjà arrivé en 2003. C’était l’une des premières réformes du statut des intermittents qui avait entraîné beaucoup d’annulations. Il avait fallu inventer pour combler les antennes. Mais il est en fait assez courant que des concerts ne puissent pas être retransmis comme prévu. La radio est souvent la dernière roue du carrosse pour les organisateurs, comparée aux lourdes machines de la télévision. Les festivals omettent parfois d’avertir les solistes qu’ils seront enregistrés et diffusés en direct, alors que pourtant les droits de diffusion sont négociés en amont. A la dernière minute, certains artistes, y compris des stars internationales, prétendent ne pas avoir été tenus au courant : ils refusent la retransmission !

Logo France lusique.PNGQuand j’ai pris la direction de France Musique, j’ai toujours prévu des programmes «de secours». J’avais sous le coude un enregistrement de l’artiste en question que je pouvais diffuser au cas ou, pour que la promesse faite à l’auditeur ne soit pas totalement caduque.

 

 

  • Cette année, les radios qui avaient prévu des retransmissions de festivals comme chaque été savent depuis longtemps que çà sera impossible …

Elles diffuseront sans doute des enregistrements de festivals qui ont pu se tenir avant la crise sanitaire et dont les captations de concert ont été stockées. Et puis il y a aussi l’entraide entre entreprises publiques de radiodiffusion, le catalogue de  l’UER. Mais ça ne suffit pas. Pendant 2 bons mois, les antennes de France Musique et de France Inter, comme celle des confrères de Radio Classique, vivent traditionnellement au rythme de ces événements.

Il y a bien sûr le Festival de Radio France et de Montpellier-Occitanie, celui d’Aix-en-Provence, les grands rendez-vous de jazz comme celui de Vienne ou de Marciac, le Festival de piano de la Roque-d’Anthéron, la Chaise-Dieu, les Chorégies d’Orange …

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Et puis ...  Les radios ne diffusent pas que les concerts. Il y a aussi les magazines en direct qui les précèdent ou qui sont réalisés pendant les entractes :  ces émissions permettent la rencontre entre les artistes et le public. C’est le propre du spectacle vivant. Rien ne peut remplacer un entretien avec un soliste avant son concert, avec en toile de fond sonore les cigales... C’est comparable à l’effervescence des grands matchs de foot avec le public qui communie!

 

  • Les rassemblements de plus de 5000 personnes sont interdits, et certains artistes ne seraient de toutes façon pas en mesure de se produire, compte tenu des mesures sanitaires imposées …

C’est terrible. Comme nous tous, ils ont été confinés chez eux, ils se sont trouvés comme des lions en cage. Mais pour eux, c’est comme une double peine. Nous, nous pouvons recouvrer notre activité, même avec quelques contraintes.
Pour eux c'est impossible : leur métier c'est de s’exprimer face à un public, d’offrir ce qu’ils font de mieux et çà leur sera interdit pendant de longs mois encore…

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Comment imaginer des solistes lyriques ou des choristes avec un masque sur la bouche ? Tous les instruments à vent sont réduits au silence également puisque par nature,  ils soufflent dans leur clarinette, leur trompette ou leur flûte pour produire du son... Forcément ils émettent des postillons !

Ces festivals sont aussi une vitrine essentielle. C’est là que se font les programmations à venir puisque les directeurs de théâtres et de salles de concert y font leur marché. Ils écoutent les artistes, ils en choisissent certains pour leur saison des mois, voire de l'année à venir.

Et puis ... N’oublions surtout pas tous les métiers qui assurent l’organisation de ces événements: les techniciens, les décorateurs, les costumiers … Sur quelques 600 000 personnes qui vivent de la culture en France, un bon quart travaille pour le spectacle vivant. C’est plus que la presse, plus que la publicité, plus que l’architecture,  plus que le cinéma !
Pour autant c’est leur mode d’expression, leur gagne pain, leur raison de vivre.

 

  • Il y a également les collectivités territoriales, les sites qui accueillent les festivals…

Nantes a eu de la chance avec ses Folles Journées qui ont eu lieu avant le confinement. 160 000 personnes, quelques dix concerts par jour pendant une semaine … Ça aurait été une aberration de l’envisager en version réduite ! On ne peut pas l’imaginer avec un spectateur sur 2 ou 3 autorisé à y assister, sans rencontre, sans brassage entre public et artistes.

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Ces événements sont une manne pour les restaurateurs, l’hôtellerie. Parfois c’est vital pour l’économie de certaines villes.
Il faudra bien, pourtant, que l’activité redémarre. Mais comment ?
On peut faire la queue quand on va chez son pharmacien, son boulanger; ils peuvent vous servir, chacun respectant les gestes barrières avec un masque. Mais comment faire pour le spectacle vivant ?

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Il va falloir dans la mesure du possible, envers et contre ce virus, inventer. L’Opéra de Rome, par exemple,  ne pourra pas donner son Rigoletto de Verdi  dans sa salle. Du coup ils envisagent de le produire en plein air, à la Piazza di Siena, avec des gradins éphémères, et 2 mètres entre chaque spectateur. C’est une bonne idée !

Il y a aussi la solution de filmer des concerts et de les retransmettre. Mais il y a un modèle économique à trouver pour compenser les cachets avec la SACD et la SACEM ou les sociétés d’audiovisuel. Le diffusion sur internet ne peut pas demeurer gratuite comme pendant le confinement durant lequel beaucoup d'artistes ont offert de véritables concerts depuis chez eux sur les réseaux sociaux.
Il faut qu'ils soient  rémunérés !
La culture ne peut être gratuite, quand bien même les circonstances sont exceptionnelles.

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