Sorry its not set :(

 

Soutenir l’équipe de France de Football,

sans ignorer les conditions dans lesquelles le Mondial est organisé ? 

Comment couvrir la Coupe au Qatar ?

Entretien avec Jérôme Bouvier,

président de "Journalisme et citoyenneté".

Sorry its not set :(

 

"Ne pas mélanger le sport et la politique !", comme le dit le Président de la République.

Soutenir l’équipe de France qui remet en jeu son titre de championne du monde,

sans ignorer les conditions dans lesquelles la compétition est organisée au Qatar : les scandales humains et environnementaux …

Comment couvrir cet évènement ?

 

Jérôme Bouvier est président de "Journalisme et Citoyenneté".

Cette association organise des assises à Tours depuis 15 ans,

mais aussi dorénavant à Tunis pour le sud de la Méditerranée,

et à Bruxelles, jeudi prochain, pour les 27 pays de l’Union européenne.

Journaliste, bien connu des auditeurs de France Inter, il a dirigé les rédactions de France Culture et RFI, et a été médiateur de Radio France.

 

Coup de fil à Jérôme Bouvier :

 

"Au préalable, je tiens à dire que les journalistes ne sont pour rien dans cette hérésie, qui a consisté à confier l'organisation de cette Coupe du Monde au Qatar !

Pourquoi il y a 12 ans, la décision d'attribuer cette compétition au Qatar a-t-elle été prise, sinon pour des raisons d’argent, de lutte d’influence et de diplomatie, avec les Emirats arabes du golfe ?

Comment la FIFA a-t-elle pu confier un Mondial à un pays qui ne joue pas au football, qui n’avait pas de stade, et où il fait 50 degrés ?

 

Sorry its not set :(

 

 

Pour vous, les journalistes sont en quelque sorte pris au piège, en devant aller couvrir cet évènement ?

Oui, mais disons aussi que la Coupe met en lumière un mode de fonctionnement qui, depuis toujours, affecte le métier.

Il est structuré "en silo".

Dans les années 80-90 par exemple, les affaires liées à la corruption ou au financement de partis politiques, ne sont jamais sorties du fait des journalistes qui couvrent la politique,

mais grâce au travail d’autres confrères.

Les reporters qui sont dans, ce que j’appelle "la caravane", c’est-à-dire qui suivent à longueur d’années la vie des élus, sont souvent au courant de ce qui peut fâcher, mais ils ne le mettent pas sur le tapis.

Ils n'abordent ces dossiers que quand les affaires sont révélées par d’autres jounalistes, souvent en charge d’investigation.

 

Vous constatez la mêmechose dans le Sport ?

Les dossiers du dopage dans le cyclisme n’ont jamais été rendus publics par les commentateurs qui assurent, par exemple, les retransmissions du Tour de France.

Dans cet univers-là, comme dans celui de la politique, les journalistes participent d’une certaine façon au spectacle, ils n’ont pas intérêt à gâcher la fête.

Ils ont assez peu d’appétence sur ces sujets qui ternissent l’image du sport !

 

C'est la même chose à propos du Qatar.

Le spécialiste du "3-3-2" qui n’a qu’un rêve, aller commenter les prouesses d’Mbappé and co, se retrouve coincé.

Ce qu'il aura à raconter en réalité, ne sera pas la fête à laquelle il s'attendait !

 

6500 morts ont été comptabilisés, rien que pour les travaux de construction des infrastructures, et ce ne sont pas des ONG qui les ont révélés.

Ce sont des confrères, ceux du Guardian qui ont fait des investigations extrêmement fouillées, qui n’ont pas été démenties et que le monde entier a bien dû prendre en compte :

c’est à mettre au crédit du journalisme d'investigation !

Du coup, tous les médias se retrouvent en fait très embarrassés.

Ils ont le cul entre 2 chaises !

 

Sorry its not set :(

 

 

 

Certains médias ont choisi de carrément boycotter la couverture de la Coupe du Monde, comme un journal de presse écrite, à la Réunion …

Oui en tous cas, en termes d'affichage…

La direction de ce quotidien l’a annoncé il y a plusieurs mois, et à tout de suite fait le buzz sur les réseaux sociaux.

Mais très vite, l’un des syndicats de la rédaction a communiqué en regrettant de ne pas avoir été associé à la décision…

Disons que çà a été un coup de com pour ce journal,

et à ma connaissance il a été le seul !

 

Les footballeurs aussi se retrouvent coincés dans cette affaire !

Chacun a pu l’observer lors de la conférence de presse du capitaine des Bleus, Hugo Loris :

il se tricotait les genoux, le pauvre garçon !.

"Oui, on va faire quelque chose...  Mais on ne sait pas quoi encore !"

 

Tout cela, du fait d’une décision qui date d’il y a 12 ans, quand l’organisation a été confiée par la FIFA à ce pays …

C’est à ce moment que les états, mais aussi les médias, n’ont sans doute pas joué leur rôle, en disant que c’était une aberration.

 

Regardez ...

Aujourd’hui encore, l’Arabie Saoudite prétend organiser des jeux d’hiver !

Comme si, tout le débat qui s’impose à propos des 5 stades climatisés au Qatar pour le foot, n’existait pas.

On marche sur la tête, et toujours pour de mauvaises raisons !

 

De manière générale, il faut que les journalistes sportifs eux-mêmes s’interrogent sur leur rôle,

même si c’est compliqué !

Par exemple, chez nous en France : la question du droit d’accès aux stades.

Ces enseintes sont  accaparées par de grandes marques ...

Seuls ceux qui ont les moyens de payer, très cher, leur place peuvent aller assister à un match.

Là aussi les journalistes sont, en quelque sorte, pris au piège.

En couvrant les rencontres ils sont, à leur corps défendant, devenus des agents de ces grandes entreprises de spectacle !

 

Sorry its not set :(

 

 

Cette Coupe du Monde de Football au Qatar peut-elle devenir un cas d’école ?

Le climat est en train de changer, au propre comme au figuré, les consciences s’éveillent !

Quitte à parler de dérèglement, regardons l’exemple de la télé :

elle peut ouvrir le 20 heures en se réjouissant des baigneurs à Biarritz en novembre, des glaciers qui se font leur beurre, et diffuser quelques minutes plus tard un sujet scientifique alarmiste sur le climat.

 

C’est la même chose pour le foot !

Peut-on continuer de dire "il y a la fête du football, pourvu que la France gagne",

et ne pas regarder la réalité de ce que vivent les habitants du pays qui accueille la compétition ?

Il faut regarder, ensemble, tous les aspects d’un fait d’actualité …

 

Si la France disparaît vite de la compétition au Qatar, beaucoup n’allumeront plus leur télé.

Mais si l’équipe fait un beau parcours, ce qu’on lui souhaite, que faire ?

Comment d'un coté boycotter, et de l'autre ne pas soutenir les Bleus ...

Chacun est mal à l’aise, pas seulement les journalistes".

 

 

Sorry its not set :(

 

 

"Les responsabilités du journalisme face à l’urgence climatique", ce sera justement le thème ce jeudi 24 novembre, des Assises Européennes du Journalisme à Bruxelles.

Avec Milou DIRKX, responsable du réseau de journalistes de Clean Energy Wire CLEW, 

Lorenz MATZAT, co-fondateur des réseaux allemands et suisses de journalistes engagés pour le climat,

et Lisa URLBAUER, responsable de la formation pour le Bonn Institute The Science Academy.

 

L'actualité de Jérôme Bouvier et ses équipes, à suivre sur 2 sites :

www.journalisme.com

et

www.mediaeducation.fr

 

 

 

 

e-crossmedia, le 18 novembre 2022

 

 

 

 

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