Thomas ENHCO pianiste, compositeur

 

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Thomas Enhco,
pianiste, compositeur.

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Ce lundi 15 juin sera enregistré un concert pas comme les autres, qui sera diffusé le 24 juin sur France 3. Sur l’immense scène du Théâtre du Châtelet à Paris, 23 des plus grands noms de la musique classique se produiront en respectant bien-sûr les règles sanitaires,. Ils interpréteront le programme du CD «Symphonie pour la vie» qu’ils ont enregistré durant le confinement à la Seine Musicale de Boulogne Billancourt. Plantu a dessiné la pochette de ce disque édité par le label Warner Classics. Le CD sera disponible partout à partir de demain, vendredi 12 juin, après avoir été proposé en téléchargement depuis le 8 mai. Les recettes iront au bénéfice des Hôpitaux de Paris-Hôpitaux de France.

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Sur scène, lundi, au Châtelet : Lise Berthaud, Hugues Borsarello, Frank Braley, Gautier Capuçon, Yvan Cassar, Bertrand Chamayou, Nicolas Dautricourt, Karine Deshayes, Natalie Dessay, Laure Favre Kahn, Delphine Haidan, Philippe Jaroussky, Mathieu Martin, Edgar Moreau, David Moreau, Rhiannon Mothersele, Neima Nouari, Tom Nouari, Laurent Naouri, Nemanja Radulović, Dimitri Saroglou, Alexandre Tharaud … Et le pianiste Thomas Enhco.

 

Thomas Enhco:

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C’est si naturel de participer, d’être solidaire, de contribuer à sa façon à ce type d’opération. Quand Gautier Capuçon me l’a proposé j’ai été immédiatement enthousiaste, d’autant que, même si je joue du classique, je suis réellement jazzman au fond de moi, et je serai le seul dans ce cas parmi tous ces collègues et amis. Je n’étais pas en région parisienne quand l’enregistrement du disque a eu lieu.

Mais j’y ai participé depuis chez moi, avec les moyens du bord: mon piano et quelques micros. J’ai enregistré l’improvisation sur l’Arabesque opus 18 de Schumann qui figure sur l’un de mes disques.

Ce concert à Paris - répétitions après demain samedi et enregistrement lundi - sera particulier à plus d’un titre. Bien sûr il s’agit d’une captation pour la télévision comme nous en faisons régulièrement, mais sans spectateurs, sans applaudissement : il n’y aura pas la respiration du public …Ce sera un peu étrange, mais nous vivons une période étrange …

 

  • Malgré les circonstances, vous allez vous produire dans un lieu unique …

Le Châtelet, c’est ma scène préférée, un lieu magique avec lequel j’ai une histoire. En 2015 j’y ai donné le concert qui marquait la sortie de mon premier disque piano solo, et je n’y suis pas revenu depuis.

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Mon arrière grand-mère Gisèle Casadesus y assistait au 3ème rang, elle  allait avoir 101 ans. C’est la dernière fois qu’elle est venue me voir jouer; pour moi c’est une très forte émotion. Je n’aurais pas pu rêver de meilleure salle pour participer à un concert après la crise de la covid-19. Je vais donc rejouer le Schumann qui figure sur le CD «Symphonie pour la vie », mais aussi une composition avec ma complice percussionniste Vassilena Serafimova au marimba.

 

 

  • Et ensuite, quel programme pour cet été ?

J’ai eu une cinquantaine de concerts annulés entre le printemps et l’été. Il ne m’en reste que deux. Je ne suis pas très optimiste, dans tous les cas ce ne sera qu’avec un tiers du public, on devra peut-être jouer deux fois dans la journée pour que l’événement puisse être un peu viable économiquement. C’est bizarre, c’est compliqué … J’ai la chance moi- même d’être passionné par plein de choses dans la vie, je ne me sens pas spécialement désœuvré. Mais depuis que je suis tout petit, ma vie c’est de monter sur scène et de jouer du piano !
Mais je prend çà avec beaucoup de philosophie. Je me dis : « ça fait 3 mois, mais que 3 mois  ! Dans une vie ce n'est pas grand-chose »…
C’est surtout compliqué pour les projets qui étaient en cours : les sorties de disques, les tournées promotionnelles… Ma première tournée aux Etats-Unis était prévue au printemps sur la côte Est. Elle a été annulée et n’est pas reportée. C’est frustrant.
Mais tant qu’on est en bonne santé et qu’on a la possibilité de faire de la musique ce n’est pas grave.

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La semaine dernière j’étais en studio pour la première fois depuis 3 mois avec Vassilena. Durant tout le confinement, nous n’avions pas joué ensemble. On a été hyper heureux de se retrouver, on a enregistré des heures et des heures de musique. On ne sait même pas ce qu’on va faire de tout ca ! Mais une fois encore j’ai pu  mesurer à quel point j’ai la chance de faire ce métier, la chance de vivre de ma passion … Quand on en est privé subitement, on se rend compte à quel point c’est un privilège.

 

  • Il en restera quelque chose de ce confinement ?

J’ai pu mesurer l’amour que j’ai pour ce métier et pour la musique, mais maintenant je me pose la question des voyages …  J’ai très hâte de remonter sur scène...  Mais je ne suis pas pressé de remonter dans des avions ou des trains tous les 2 jours !

Limiter les voyages ça ne serait pas mal : ce serait bon pour la santé et ça ferait  du bien à la planète.

 

  • Et cette période a-t-elle nourri une forme d’inspiration ?

Je me suis juste reconnecté avec le plaisir simple de faire de la musique. J’ai la chance d’aimer travailler, d’aimer passer des heures au piano. J’en ai profité pour m’intéresser à d’autres disciplines comme la chanson. J’ai travaillé sur une musique de film, je me suis vraiment mis à l’informatique musicale , j’ai pris des cours de chant en visioconférence par Zoom …

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J’ai joué du Bach tous les jours de manière différente. Je suivais la partition sur mon écran de téléphone pour m’obliger à considérer le dessin que font les lignes des notes, plutôt que les notes elles-mêmes ! Et puis je me suis mis à la cuisine comme plein de gens durant le confinement … Petit à petit j’ai envisagé ça comme une composition musicale, en essayant de trouver des contrastes, des saveurs, des textures …
Nous y avions joué notre adaptation des œuvres de Mozart il y a quelques années. Ce sera aussi un grand plaisir : y refaire ensemble de la musique !

J’ai acquis beaucoup plus de calme, même dans ma façon d’envisager la musique, mon instrument.
Du calme et du recul qui j’espère vont me rester.
Je ne veux pas retourner dans l’urgence dans laquelle j’étais depuis une quinzaine d’années : urgence de programmes à monter, de, concerts à préparer  J’étais dans une boulimie totale, mais sans m’en rendre vraiment compte.
Cette crise ne m’a rendu malheureux.
J’ai bien sûr été frustré du fait des annulations de concerts, mais j’ai pu prendre du recul, me reconnecter, réfléchir aux raisons pour lesquelles  j’aime ce métier, pourquoi je le fais, et comprendre ce qui parfois gâchait mon plaisir : faire trop de choses, trop vite, trop en même temps ... 

le 11 juin 2020.

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