Sorry its not set :(

"Il faut poser des questions,

ne pas se limiter à l'évènement du jour qui écrase toute l'actualité.

Tout est lié "

Le regard sur les médias d'une des plus grandes voix françaises.

Entretien avec Ivan Levaï.

Sorry its not set :(

 

Qui a en réalité tiré sur l'hôpital de Gaza ce mardi soir ?

Comment, pour autant, ne pas oublier les autres crises qui enflamment la planète ?

Au delà de cette escalade dramatique au Proche Orient,

et de ses répercussions en France ou en Belgique,

quid de l'Ukraine, de l'Arménie, de la suite des tremblements de terre au Maroc ou en Syrie ?

Télés, radios, et journaux ne savent plus où donner de la caméra, du micro et de la plume.

Les évènements très lourds se succèdent de jour en jour :

une actualité chasse l'autre !

 

Sorry its not set :(

 

Il est l'une des plus grandes voix de la radio en France

et a toujours cherché à expliquer en particulier les crises au Proche Orient et leurs répercutions.

Eloigné aujourd'hui des micros de France Inter ou Europe 1,

son regard sur la couverture des évènements par les médias demeure confraternel,

mais également critique.

Coup de fil à Ivan Levaï :

 

"Je trouve que les reporters sont très bons,

mais à mes yeux et à mes oreilles globalement les médias se défaussent !

C'est à dire qu’on fait venir en plateau ou en studio des généraux, des experts, des intellectuels, des philosophes.

Et puis, on multiplie les micro-trottoirs et les interventions des politiques qui ne disent rien…

 

Mais surtout, on a sauté d’une guerre à l’autre !

Depuis l’attaque du Hamas sur Israël le 7 octobre,

il y a eu une très longue période durant laquelle il n’a plus du tout été question de l’Ukraine.  

Notez comment, pendant une bonne semaine, Poutine a complètement disparu !

C’est à peine si on voit quelques images depuis hier de son voyage à Pékin, et pourtant c’est loin d’être anodin !"

 

Sorry its not set :(

 

Pour vous, les médias se focalisent trop sur l’évènement le plus récent

et n’assurent pas de "droit de suite", à propos de l’ensemble de l’actualité ?

"Mais évidemment,

parce qu’en réalité, tout est lié !

Je vous confie d’ailleurs qu’intimement je ressens la période que nous vivons

comme une réelle menace de guerre totale.

Alors ...

Pendant que les regards sont tournés uniquement sur Israël et Gaza, que fait l’armée russe ?

Ça doit bien arranger le maitre du Kremlin ces évènements au Proche Orient,

si tant est qu’en plus, il doit évidemment tirer quelques ficelles et influer auprès de certains pays comme l’Iran.

Le rôle de Téhéran dans cette crise majeure autour de Gaza ne fait aucun doute.

 

Alors,

consacrer des heures entières d’émissions à un seul sujet ne permet pas de prendre de la hauteur,

et de dimensionner la problématique de manière globale.

C’est pourtant essentiel,

c’est tout le monde arabe qui risque de s’enflammer.

Et cette crise est surtout une nouvelle illustration du fossé qui se creuse, entre les démocraties occidentales

et le reste du monde !"

 

Sorry its not set :(

 

Mais vous-même,

si vous étiez toujours au micro pour une revue de presse,

comment feriez-vous, alors qu’en presse écrite c’est le même phénomène ?

"D’abord, tout de même, des journaux comme le Monde continuent, eux, à publier des articles ou des tribunes qui donnent plus d’éléments,

pour réfléchir …

Mais surtout, même si les Unes et les articles ne sont consacrés qu’à un évènement qui écrase tout le reste,

moi je poserais des questions !

C’est le rôle d’un journaliste de poser des questions !

Certains confrères le font en particulier sur les télés d'info continue,

j'apprécie par exemple particulièrement les analyses d'Ulysse Gosset ...

 

Il faut considérer l'ensemble et toujours s'interroger sur les conséquences d'un fait sur l'ensemble de l'actualité.

Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, nous avons vécu dans un monde bipolaire,

c’était simple, et finalement assez pratique !

Aujourd’hui tout est déstructuré, il faut expliquer tout cela,

et à la télévision, ou grâce à internet, montrer des cartes.

 

Bien sur, quand un évènement très lourd s’impose il faut le traiter en détail,

mais surtout ne jamais oublier de le dimensionner dans le contexte global …"

 

Sorry its not set :(

 

Même si le conflit en Ukraine se poursuit et que nous n’en sachions pas grand-chose au quotidien,

c’est tout de même Gaza ces jours-ci qui est l’épicentre de l’actualité !

"C'est une nouvelle page de l'histoire de cette région qui s'écrit.

Je ne saurais pas vous dire combien de fois je m'y suis rendu, en Israël comme en Palestine …

La première fois c’était en 58, donc 10 ans après la création de l’état hébreux.

Je n’étais pas encore journaliste, mais prof de lettres,

et je travaillais pour une association dont l’ambition était de faire se rapprocher les peuples.

 

Je me souviens d’une visite de la ville de Jérusalem avec le maire qui était un type formidable.

Ce jour-là, nous passons dans le quartier juif devant des boucheries où la viande était proposée à l’abri de réfrigérateurs,

ce qui assurait sa qualité.

En revanche dans la rue d'à coté en secteur arabe, les mouches envahissaient les étals.

Impssible de conserver les denrées au frais puisqu'il n'y avait pas de courant !

A coup sur, tout était avarié.

Alors ce maire, juif, a fait installer l’électricité coté palestinien, pour que les gens aient la même qualité de nourriture.

Pour lui c’était une évidence :

promettre sur cette terre à tous les habitants la même qualité de vie !"

 

Sorry its not set :(

 

L’escalade à laquelle nous assistons peut-elle s’enrayer selon vous ?

"Autant dire tout d’abord, que ces jours-ci, nous courons à la catastrophe.

Le gouvernement en Israël a trompé son peuple,

comme en Palestine le parti du Hamas qui a accédé au pouvoir a trompé son peuple.

 

Du côté de l’état hébreux, une partie des citoyens sont arabes, et sont même représentés au parlement.

Depuis des années aussi,

des gens de Gaza venaient quotidiennement travailler en terre israélienne, sans que cela provoque de tension.

Ces palestiniens retournaient dormir chez eux le soir et cela se passait bien,

même si pour eux leur ville était devenue une prison à ciel ouvert.

L'enfer des conditions de vie à Gaza dont on parle est très largement dû au parti qu’ils ont eux-mêmes installé au pouvoir.

Au fil des années, c'est devenu une dictature.

 

En réalité, les deux parties se sont éloignées du processus de paix

et de la seule idée qui vaille :

la reconnaissance de deux états !

 

Voilà ce qu’il faut expliquer aux lecteurs, aux auditeurs, aux téléspectateurs et aux internautes.

Au-delà des drames qui se succèdent jour après jour sur le terrain,

et dont les reporters rendent compte avec talent,

c’est l’enjeu global qui impacte en réalité le monde entier, qu’il faut sans cesse expliquer, raconter …

Et pour cela, inlassablement : poser des questions !"

 

Thierry Mathieu,

Président d'e-crossmedia,

le 18 octobre 2023.

 

 

 

 

 

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