Sorry its not set :(

Gaza-Israël,

vu du Liban ..

La guerre qui menance toute la région ,

aux portes d'un pays d'ores

et déjà exsangue.

Entretien depuis Beyrouth

avec une journaliste radio

Nanette Ziade.

Sorry its not set :(

 

6 semaines après l'attaque du Hamas contre Israël,

puis les répliques sur la bande de Gaza, comment être journaliste dans la région ?

Témoignage pour e-crossmedia d'une journaliste radio à Beyrouth.

Elle observe la guerre s'approcher des frontières sud de son pays

et menacer en réalité toute la région.

Dans un pays déjà en déliquescence,

comment, envers et contre tout, continuer à informer ?

Coup de fil à Beyrouth à une journaliste de Radio Liban et Nostalgie Liban,

Elle contribue par ailleurs au programme Kantara, de la Copeam.

Nanette Ziade.

 

"Pour moi, l'horreur est de toutes parts dans ce monde, un crime reste un crime, peu importe qui le commet…

Evidemment, ici, il y a un engagement pro palestinien

mais la liberté de presse, nous l’avons plutôt considérant que nous sommes un pays arabe.

Souvent d’ailleurs, les journalistes courent des risques en allant couvrir la situation au sud du pays,

à la frontière de la Cisjordanie.

Justement, j'étais hier à une conférence organisée par le ministère de l'information qui existe encore chez nous

malgré la déliquescence de l’état,

pour expliquer aux journalistes, peut-être un peu profanes,

quelles sont les mesures de sécurité à observer :

surtout ne pas risquer de se retrouver sous des bombardements.

C’est arrivé, il y a eu des confrères tués ou blessés déjà."

 

Sorry its not set :(

 

Il y a quelques 500 kilomètres à vol d’oiseau entre Beyrouth et Gaza …

"Tout en étant plutôt proche de ce que vit le peuple palestinien,

la population libanaise est très attentive au contexte général et se raccroche à ce que dit Hassan Nasrallah,

le grand manitou, secrétaire général, du Hezbollah.

Il y a deux semaines le 3 novembre, il a pris la parole et s'est distancié de tous les événements.

Tout le monde a poussé un "ouf" de soulagement...

Mais nous ne sommes pas à l’abri d'une dérive de part ou d'autre,

les Israéliens pourraient pousser le bouchon un peu plus loin,

une petite erreur ferait basculer toute la situation.

Il y a d’ailleurs des pétitions qui circulent içi pour réclamer que le Liban soit mis à l'égard de tout genre de conflit.

Il va falloir voir quelle carte les Iraniens vont vouloir jouer,

quelle pression ils voudront opérer sur les États-Unis…

Tout cela dans un contexte libanais purement aventureux,

l'État n'est plus structuré."

 

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Depuis l’explosion du port de Beyrouth il y a déjà 3 ans,

c’est la loi de la jungle ?

"Etes-vous au courant de l'état de la monnaie libanaise ?

1$ vous est vendu pour 15000 £ libanaises officielles alors que sur le marché parallèle il s'échange à 90000.

Cela touche l'ensemble de la population même si, il le faut bien, les commerces, les entreprises parviennent à travailler.

Les seuls secteurs qui fonctionnent un peu encore sont tenus par le privé, et donc en devise étrangère.

Ce qui est public est quasiment à l’arrêt. Les employés du gouvernement ne se rendent pas à leur travail

parce pour y arriver ça leur coûte plus cher en essence que ce qu'ils gagnent :

Ils sont payés des cacahuètes !

Moi-même, journaliste, je suis salariée par le secteur public à la radio.

Avant la crise j’étais rémunérée 55$ en moyenne par émission, aujourd'hui il n'y a plus d'argent. "

 

Sorry its not set :(

 

" Mais je continue d'offrir un reportage dans le cadre de ma collaboration avec la COPEAM

l’organisation à but non lucratif consacrée au dialogue et à la coopération culturelle dans le bassin méditerranéen,

qui réunit les principaux acteurs du secteur audiovisuel, dont les radios et télévisions publiques de 27 pays.

Je contribue gratuitement à l’émission Kantara depuis déjà 3 ans.

Des reportages et des invités des deux côtés de la Méditerranée traitent chaque semaine des questions de société et d'actualité

Elle est diffusée par France Bleu RCFM, Chaîne Inter du Maroc, Radio le Caire, Radio Tunis Chaîne Internationale, Radio Extérieure d'Espagne, Voix de la Palestine Internationale

et donc Radio Liban 96.2"

 

Comment vivent les journalistes libanais ?

"Beaucoup s’arrangent pour écrire un papier ou 2, voire 3 pour des sites d'informations ou des journaux à l'étranger.

Et quand ils vendent leurs papiers, ils sont facturés 150$.

Ce n’est pas énorme vu de France, mais au Liban, cela contribue vraiment à manger …

Je travaille un peu pour Radio Nostalgie Liban qui est une franchise de la grande radio française,

et qui a içi un succès d’audience remarquable."

 

 

"Au moment de la révolution avortée du 17 octobre il y a 2 ans,

mon émission a été arrêtée, parce qu’à ce moment-là les recettes publicitaires qui font vivre la station se sont effondrées.

Ils ne pouvaient plus me payer …

 

Sorry its not set :(

 

Je leur ai dit qu’ils ne devaient pas se résoudre à ne devenir qu’une "boite à musique" et ne plus informer les auditeurs …

Alors je reste présente à l’antenne, mais gratuitement, quotidiennement.

Et une fois tous les deux mois, j’auto-finance en quelques sortes un programme culturel.

Je reçois des invités qui viennent faire la promotion de leurs livres ou de leurs expositions, et je leur fais payer leur présence à l’antenne.

 

Sorry its not set :(

 

Nous cherchons des sponsors ou des soutiens par exemple de l’Union Européenne, mais sans succès.

C’est surtout difficile pour les émissions francophones

alors que près de la moitié de la population libanaise parle le français."

 

Du coup, comment s’informe la population libanaise,

surtout avec cette menace supplémentaire aux portes du pays ?

"Beaucoup de gens se réfugient sur les chaines étrangères qui sont reçues à la maison par le câble, pour pas trop cher, à peu près 15$ par mois.

Donc, nous avons accès aux chaînes françaises ou américaines.

Comme celà chaque jour, on peut mesurer le poids et l'évolution de la situation.

C’est déjà pas mal pour l’instant qu’on puisse continuer à respirer en espérant qu’une terrible crise supplémentaire ne nous tombe sur la tête,

car nous ne voyons pas d’espoir au bout du tunnel quant à la situation intérieure au Liban.

Nous sommes sans président, on sera bientôt en plus sans commandant en chef de l'armée.

Il y a un gouvernement intérimaire, donc il n’y a absolument aucune autorité en place pour gérer ce pays.

Nous avons atteint un degré de corruption inégalée à mon avis dans le monde,

et tout restera impuni

sans doute à tout jamais !"

 

Sorry its not set :(

 

Comment dans ces conditions continuer à honorer votre mission,

celle d’informer et de servir les publics ?  

"C’est la passion qu'on porte à son métier, il n’y a rien d'autre qui me motive à part ça.

Avec les confrères autour de moi, nous sommes tous des mordus.

Pour la plupart nous réalisons des reportages, des enquêtes, nous allons à l’antenne gratuitement parce qu’on ne peut pas se résoudre à arrêter.

C’est comme dans le secteur de l'enseignement, beaucoup de professeurs assurent leurs cours même au niveau universitaire pour pas grand-chose !

Il y a un engagement, une vocation, une envie de transmettre et surtout une nécessité de ne pas lâcher ce pays

et de ne pas l'offrir aux Mollahs iraniens :

on s'agrippe à notre pays !

 

Sorry its not set :(

 

Et puis il y a une autre chose sur laquelle on s'interroge tous les jours, nous les Libanais …  

C’est cette capacité à absorber les chocs les uns après les autres.

Après la tragédie du port de Beyrouth et la déroute de notre classe politique, nous en sommes pourtant encore là,

toujours devoir composer avec eux !

Nous détenons sans doute un record du monde en termes de consommation :

nous carburons tous aux anxiolytiques.

Mais nous ne fléchissons pas.

Moi ce qui m’aide à tenir, c’est mon métier : informer ! "

 

Thierry Mathieu,

e-crossmedia,

le 19 novembre 2023.

 

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